fbpx

Pourquoi l’immigration divise-t-elle l’Europe ? | Yves Pascouau

Yves Pascouau, chercheur à l’université de Nantes et président de l’association European Migration Law, réclame un vrai débat en faveur de la question migratoire.

 

La question migratoire traverse les sociétés européennes et participe aux bouleversements politiques récents. Si la « crise des réfugiés » de 2015 a eu un rôle dans le vote en faveur du Brexit, la question migratoire a été au centre des transformations politiques en Italie et en Autriche où, désormais, les ministres chargés de l’immigration sont issus de l’extrême droite. Mais au-delà du cadre national, cette question a aussi profondément divisé les États européens et fragilisé la construction européenne.

Au cours de la dernière décennie, l’Union européenne a traversé plusieurs crises. Mais alors que les États européens se sont unis pour faire face à la crise financière, à la crise de la zone Euro, à la menace terroriste et au Brexit, ils se sont déchirés sur l’asile et l’immigration. Cela démontre la spécificité et la sensibilité extrême de cette question.

Dans un contexte de pression migratoire, les différences qui existaient entre les États européens se sont renforcées pour constituer désormais de profondes divisions.

C’est la géographie qui a donné une première illustration de cette évolution. L’opposition entre les États méditerranéens – dits de « première ligne » – et les autres États s’est amplifiée à partir de l’été 2015. Faute de disposer de règles adaptées pour prévenir et gérer les arrivées et assurer une distribution équitable des demandeurs d’asile, notamment dans des situations exceptionnelles, la Grèce, l’Italie, Malte et aussi l’Espagne ont eu à gérer des situations compliquées, creusant encore le fossé entre le centre et la périphérie.

La question migratoire mérite un vrai débat

La deuxième illustration relève de l’histoire et de la différence entre les États qui ont une longue tradition migratoire et ceux, principalement d’Europe centrale et orientale, qui n’ont pas la même tradition et qui voient dans la migration une atteinte à leur identité. Cette fracture historique pèse sur l’espace politique européen et international, comme en témoigne le refus de la Hongrie, de la Pologne et de la République Tchèque d’adopter le Pacte de l’Onu sur les migrations.

À ceci s’ajoute l’impasse politique. Les États européens sont divisés sur les solutions à mettre en œuvre pour améliorer la gestion des migrations. Ces solutions imposent une articulation entre le principe de responsabilité – dans le contrôle des frontières, l’enregistrement des demandeurs d’asile ou le retour des personnes en situation irrégulière – et celui de la solidarité envers les États de « première ligne ». Or, les positions divergent entre les États qui conditionnent la solidarité à davantage de responsabilité et ceux qui réclament plus de solidarité avant d’exercer plus de responsabilité.

L’immigration divise davantage qu’elle unit. Or, ce rôle risque de s’amplifier lors de la campagne européenne avec la confrontation annoncée entre démocraties libérales, mal à l’aise avec les questions migratoires, et démocraties dites illibérales au discours fermement anti-immigration. Ces divisions peuvent être surmontées à la condition de dépasser les cadres d’analyses actuels enfermés dans le court terme, les idées reçues et les slogans.

La question migratoire mérite un vrai débat, fondé sur une analyse et une expertise solides pour comprendre les défis à venir et définir des politiques migratoires ordonnées qui assurent la protection des personnes, citoyens et migrants, et la sauvegarde des engagements et valeurs qui fondent les démocraties européennes. »

Yves Pascouau est président de l’association European Migration Law. Il participera, vendredi 18 et samedi 19 janvier, au Couvent des Jacobins de Rennes, à la deuxième édition des Assises de la citoyenneté, Vivre ensemble, organisées par Ouest-France.

 

Lien vers l’article : https://www.ouest-france.fr/societe/immigration/point-de-vue-l-immigration-facteur-de-divisions-en-europe-6179620

 

Retour au blog