Voilà une question qui semble frappée au coin du bon sens « pourquoi n’enferme-t-on pas tous les sans-papiers pour les expulser en une fois ? ». Sylvie Saroléa, Professeure de droit international et avocate, explique qu’il n’est pas possible, pour des raisons de principe et pour des raisons pratiques, d’enfermer tous les sans-papiers et de tous les expulser.

Pourquoi n’enferme-t-on pas tous les sans-papiers pour les expulser en une fois ? Il y a deux types de raisons, les raisons de principe et les raisons pratiques.

Au niveau des raisons de principe, dans nos sociétés, la liberté c’est la règle, l’enfermement c’est une exception. Et donc les exceptions, on les entend de manière stricte. On y recourt que lorsque c’est absolument nécessaire.

Ces exceptions vont être encore plus strictes pour les catégories les plus vulnérables des migrants. Les enfants que l’on ne peut détenir que dans des conditions très précises compatibles avec leur intérêt et avec leur situation de vulnérable. Les personnes malades, les personnes handicapées, les personnes qui souffrent de stress post-traumatique.

Ensuite, une fois que l’on a réduit la détention à ce qui est absolument nécessaire, il faut également respecter le prescrit européen. La directive « retour » dit ok on peut détenir les personnes en situation illégale mais uniquement comme mesure de dernier recours lorsque le reste à échoué.

Et le reste c’est quoi ? Et bien c’est d’abord le départ volontaire. La personne demande un délai, s’organise et part d’elle-même. Ou alors le retour volontaire. Le retour volontaire c’est bien l’Etat qui éloigne la personne mais la personne finit par donner son accord et dans certains cas ces retours sont organisés, par exemple avec des organisations non-gouvernementales qui mettent sur pied avec le migrant un projet de développement pour lequel il y a même parfois une aide financière.

Ensuite à côté de ces raisons de principe, il y a également des raisons pratiques. Tous les migrants en situation irrégulière n’ont pas le même profil. Ils se font arrêter à des moments différents, viennent de pays différents, certains sont seuls, certains sont en famille, certains viennent de pays ou on ne pourra pas les éloigner – c’est le cas notamment des pays en guerre – il y a également certains pays qui ne répondent pas aux demandes d’identification, certains migrants qui n’ont pas de documents, certains migrants pour lesquels on ne connaît même pas leur nationalité parce qu’ils n’ont pas été enregistrés à la naissance, parce qu’ils sont des apatrides de facto, parce qu’ils errent depuis des années d’un pays à l’autre en manière telle qu’on ne sait pas déterminer de manière certaine leur origine.

C’est donc pour ces raisons de principe et pratique que l’on ne peut pas détenir tous les étrangers en situation irrégulière, ni les expulser.